Le monde est-il devenu fou ? C'est la question que l'on peut se poser face à la course à la performance qui anime nos sociétés toujours en quête de plus de gigantisme : les titans commerciaux (paradis de la surconsommation), urbains (barres d'immeubles ou tours infinies), financiers (place boursière où l'on brasse des sommes astronomiques), ou administratifs (dédales kafkaïens)… Pris entre ces mastodontes de plus en plus nombreux, l'homme semble réduit à la condition de fourmi.
Face à cette démesure, de nombreuses voix s'élèvent des rangs des partisans d'une société à la mesure de l'homme, dans la mouvance du « small is beautiful », titre de l'essai publié en 1973 par l'économiste Schumacher, prônant un retour à la vie en petites communautés. Mais leur message restait marginal et portait encore peu à l'époque. Avec la croissance et l'augmentation de la population mondiale, de nouvelles prises de conscience ont eu lieu. Pourtant, les Anciens avaient déjà bien compris la nécessité de la mesure : aux antipodes des grands empires historiques comme des grandes mégalopoles actuelles, le philosophe grec Platon imaginait sa cité idéale composée de seulement 5 040 personnes.
L'urbanisation massive est pourtant une véritable source d'inquiétude car elle favorise le morcellement de l'identité : l'individu ne peut pas se reconnaître dans une agglomération si vaste qu'il n'en connaît le plus souvent qu'une partie infime. Il se renferme donc sur un quartier, un groupe social ou confessionnel, ou sur sa famille. L'immensité effraie. C'est par exemple ce que révèle la multiplication des communautés fermées dans les grandes mégalopoles, qui créent des ghettos de riches coexistant avec les bidonvilles. La collectivité humaine se dilue donc en faveur soit d'un individualisme forcené soit d'un communautarisme exacerbé. L'explosion de l'espace urbain participe donc à augmenter la fracture sociale, faute de sentiment d'appartenance et d'intérêts communs.
Pour favoriser la mixité et l'harmonie, il faudrait rompre avec cet élargissement incessant de la ville en faveur de zones urbaines de taille moyenne. Car vivre dans un hameau peut aussi se révéler mortellement ennuyeux. Ainsi, il semblerait que la taille moyenne d'une agglomération soit celle qui corresponde le mieux au plus haut degré de civilisation.