Homme : Nous recevons aujourd'hui Maeva Guillon, la commissaire de l'exposition Le luxe aujourd'hui. Tout d'abord, pourquoi avoir rajouté « aujourd'hui » dans l'intitulé de l'exposition ? Est-ce que le luxe n'est pas intemporel ?
Maeva Guillon : Si le luxe était intemporel, le plastique serait encore de nos jours un produit rare et cher alors qu'il est devenu un matériau de base de la consommation de masse. Cette notion varie donc en fonction des époques.
Homme : Est-ce que le luxe coûte nécessairement cher ?
Maeva Guillon : Les produits dits de luxe sont, en effet, généralement plus onéreux que les produits traditionnels car ils sont aussi de meilleure qualité et exigent plus de travail. Mais, ce n'est pas forcément le cas. Dans notre exposition, nous luttons contre ce cliché. Nous avons ainsi un service à thé qui n'est pas si cher que cela. Conçu pour mettre en valeur les arômes de différentes variétés de thé, ce service est irremplaçable, et le plaisir unique qu'il procure aux amateurs l'élève au statut d'objet de luxe.
Homme : Le luxe est-il toujours fait de façon artisanale ?
Maeva Guillon : Il existe bien sûr un lien étroit entre luxe et artisanat. Par exemple, pour faire une selle en cuir de grande marque, il faut 4 000 artisans dotés d'un savoir-faire exceptionnel. C'est pourquoi beaucoup de marques, même quand elles recourent à des techniques de production industrielles, exagèrent dans leur campagne publicitaire la dimension artisanale de leurs produits pour répondre à une exigence de qualité de la clientèle, qualité qui doit être bien sûr extraordinaire dans ce secteur.
Homme : Le luxe demande donc un investissement temporel plus important.
Maeva Guillon : Ça, c'est vrai. C'est un des points communs de la plupart des objets que nous exposons. Ils ont exigé un temps fou pour leur réalisation, de la recherche initiale à la fabrication, comme ce chapeau en fourrure d'or. Dix ans de travail ont été nécessaires pour que le bijoutier puisse perfectionner sa technique. Le luxe demande aussi du temps aux consommateurs : il faut se l'approprier. En admettant que pour la première fois une personne goûte du caviar, mets d'exception, il peut être étonné par cette saveur si spéciale et ne pas aimer du premier coup.
Homme : Est-ce qu'il y a un autre point commun entre tous les produits de luxe ?
Maeva Guillon : Oui, je crois que, avant tout, le luxe est une usine à fantasmes et doit susciter davantage de désir qu'un produit du commun. D'ailleurs, pour peu qu'on se penche sur cette question, on découvre que cette dimension onirique est bien plus liée à la notoriété de la marque qu'à l'esthétique.