Journaliste : Michel Robert, vous êtes metteur en scène. Vous êtes engagé, politiquement comme artistiquement, en faveur de l'ouverture de la culture au plus grand nombre.
M. Robert : En effet, il est urgent d'agir car, malgré l'augmentation de l'offre culturelle depuis trente ans environ, la fréquentation des lieux de culture n'a pas augmenté. La culture s'adresse encore à une minorité de Français : seulement 22 % des Français ont une pratique au moins occasionnelle de la culture, comme visiter une exposition ou aller au théâtre une fois par an. Seuls ces 22 % profitent des dix milliards accordés par le gouvernement à la culture. C'est peu, vous ne trouvez pas ?
Journaliste : Certes ! Comment expliquez-vous ce faible pourcentage ?
M. Robert : C'est simple. Les pouvoirs publics ne sont pas attentifs. C'est la loi de l'offre et de la demande. Même s'il y a du choix, s'il ne correspond pas à ce qui est attendu, c'est inutile. On ne fait pas assez attention à ce que veut vraiment le public. Attention, ça ne signifie pas qu'il faut voir le public comme une simple clientèle. La culture n'est pas un produit comme les autres.
Journaliste : Concrètement, que proposez-vous ?
M. Robert : D'ouvrir la culture à tous et donc la rendre plus accessible et plus démocratique, par exemple mettre en place une politique culturelle participative, grâce à quelques moyens peu coûteux.
Journaliste : Pouvez-vous être plus précis ?
M. Robert : Tout d'abord, selon moi, il faudrait par exemple plus de lieux de rencontre entre les artistes et le public, pour créer un lien et multiplier les occasions de collaboration. La démarche artistique ne doit pas se vivre en solo, et le citoyen doit pouvoir suivre, voire participer au processus de création artistique. Les résidences d'artistes, qui accueillent les artistes et exposent leurs œuvres en cours, doivent donc être plus nombreuses dans le cœur des villes : les centres culturels, les écoles, les universités, les prisons, les hôpitaux, les maisons de retraite… C'est du moins ma façon de voir les choses ! Je sais qu'elle ne plaît pas à tous les artistes.
Journaliste : Par exemple ?
M. Robert : Une ville propose d'installer une statue en plâtre sur la place de la ville. L'artiste est accueilli dans une résidence gérée par la mairie pendant la réalisation de l'œuvre. Tous les artisans locaux viennent partager avec l'artiste leurs connaissances sur le matériau, les outils, les techniques, sans pour autant ôter le statut d'artiste au plasticien. Mais l'œuvre est réalisée en commun. À l'inauguration, artistes et artisans peuvent expliquer la démarche artistique et technique. Il y a une revalorisation des travaux manuels et une meilleure compréhension de la création artistique. Ce travail de médiation est essentiel pour que le public soit vraiment réceptif à l'art, surtout contemporain. Et la collaboration est, selon moi, la meilleure manière de le faire.